Conversation avec Clément Rouvière
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Le groupe Simba Dickie pouvait-il espérer une telle réussite de la reprise en main de sa marque Solido, dans la sombre perspective de l'année 2013 ? Ce n'est pas seulement un véritable pôle miniatures que les fondateurs d'OttOmobile, MM. Nicolas Urien et Frederick Guillier-Sahuqué, ont bâti en Bretagne (les ¾ du chiffre d’affaires viennent de l’export). Leurs différentes usines représentent aujourd'hui une précieuse "force de production". D'ailleurs, le fait que des marques réputées comme CMR, Spark, Schuco, Minichamps ou Welly aient choisi de sous-traiter leurs fabrications avec l'entreprise bretonne apparaît des plus enthousiasmants. La distribution d'autres marques, comme Jada-Toys par exemple, est une autre corde à son arc. Il faut ainsi parcourir le show-room de Josselin pour découvrir l'ampleur de cette diversité d'activités, sans oublier l'atelier de HC Models hébergé depuis peu dans les locaux pour la production de pièces très haut de gamme. Le prochain site de production (la CY Moulding Bangladesh Co. Ltd, encore en construction au moment de la rédaction de cette page) consolidera certainement cette organisation efficace qui a permis à la marque Solido de remonter en seulement quelques années aux premiers plans du secteur.

Qui de mieux placé qu'un ancien archéologue pour répondre à de nombreuses questions sur l'histoire d'une entreprise, fut-ce-t-elle aussi récente pour ce spécialiste des fouilles souterraines préhistoriques ? C'est donc auprès de M. Clément Rouvière que MSV est allé s'informer, sachant qu'il occupe la fonction déterminante de chef de produit chez Solido.

MSV : Fondateurs de Mini-Express en mars 2009, M. Guillier-Sahuqué est responsable des ventes, du marketing et de la logistique, M. Urien est, lui, le responsable production et développement. Aujourd'hui, leur parcours est perçu comme remarquable. Pourriez-vous nous dire, Monsieur Rouvière, quelles furent leurs motivations pour démarrer leur propre entreprise de miniatures en Bretagne ?

Clément Rouvière : Frederick a commencé dans le milieu automobile comme Valeo, puis il a été employé chez Norev. Il a participé au développement actif de toute la gamme Norev au moment où cela tournait bien. Il y était déjà avec Nicolas. Il était aussi avec Philippe Pelazzo, notre directeur commercial, et Colin Pillet, notre responsable licences. Tout le monde était ensemble au même moment. Ensuite ils ont quitté la société au fur et à mesure des années. Frederick est parti travailler pour Renault, au service produits dérivés. Il s‘est retrouvé de l’autre côté du miroir. Un jour, Renault a changé d’avis et a décidé d’arrêter. Frederick est parti travailler quelques temps pour PCT. C’est là qu’il a rencontré le propriétaire d'IXO, Benjamin Wong. Revenus en France, avec sa femme ils ont ouvert la petite boutique Ty-Bolid dans le centre historique de Vannes. En parallèle, il avait recommencé à faire de petites productions, comme des F-1 au 1/6 pour Renault. C’est de là qu’ils ont eu l’idée de lancer la marque OttOmobile avec Nicolas. Nicolas avait également travaillé pour PCT, et ils avaient envie de faire autre chose.

MSV : Mini-Express commence donc sa carrière rue de la Croix-Blanche à Guégon ?

A la base du démarrage de Mini-Express, Frederick et Nicolas avaient prévu de faire une collection pour les professionnels. Ils sont allés voir les pros pour leur dire qu'ils voulaient faire une collection de voitures en résine 1/18, des Youngtimers. Tout le monde leur a répondu que les Youngtimers n'étaient pas très recherchés et que personne n’achèterait des voitures en résine. Ils ont donc pris la décision de garder le prix qu’ils avaient prévu de faire aux pros, d'ajouter la TVA et de les vendre en direct. Cela a bien marché, et les pros, qui n’avaient pas suivi au début, achètent maintenant au même prix que les particuliers. Après, il y a eu un petit souci au débarquement du premier container et il a fallu le rapatrier très vite en France. Au début, ils avaient prévu d’envoyer les commandes directement de Chine et cela n’a pas pu se faire. Ils étaient passés par un transitaire qui n'a pas assuré au dernier moment. Le père de Frederick disposait d'un hangar à Guégon pour sa société. Ils ont ramené le container à Guégon. Frederick, Virginie sa femme, ses parents, les parents de Nicolas Urien - qui sont venus, avec leur camping-car, parce que Nicolas, lui, supervisait l'usine en Chine - ont pu vider le container. Et c'est là qu'ils ont commencé à faire les premières commandes. C'est pour cette raison qu'ils se sont installés à Guégon, et finalement ils y sont restés à la place du père de Frederick. C'est le hasard qui a fait que nous sommes implantés là, à cause d'une erreur au démarrage. Aujourd'hui, nous sommes cinquante personnes à travailler ici.

MSV : La première usine chinoise va rester dédiée à OttOmobile. Avec la création de la gamme GT Spirit, que s'est-il passé en 2012 ?

Nous avons une usine qui ne fait que OttO et qui a été agrandie plusieurs fois. Nous avons une seconde usine chinoise que nous appelons Z-Models. Elle est gérée par Nicolas Urien et s’occupe des modèles GT Spirit. Nicolas vit à Macao. Il est même enfermé à Macao en ce moment j’ai envie de dire...

MSV : Les modèles OttO sont fabriqués en Chine. Pourtant, c'est une publicité pour l'usine Sonic qui était visible à l'entrée des bureaux à Guégon ?

Ils étaient déjà en contact, mais à l’époque ce n’était pas cette usine qui fabriquait. Le dénominateur commun, qui intervient plutôt au moment de la création de GT Spirit, c’est Benjamin Wong. La marque OttOmobile est montée par Frederick et Nicolas, ils ne sont que deux. Sur les GT Spirit, ils sont trois associés. Il y a aussi Benjamin Wong, propriétaire de IXO. Lui, il a décidé de monter son usine au Bangladesh [ndlr : une "Joint-Venture" en 2013] et il les a invités à la voir.

MSV : En 2014, Le groupe Simba Dickie leur offre de s'occuper de la marque Solido.

En parallèle on fait le salon de Nuremberg, et c'est là que Frederick a récupéré Solido. Il y a une grande part de chance dans cette histoire ! Une autre marque de miniatures avait fait une offre d'achat de la marque Solido au groupe Simba Dickie. Le stand OttO était en face de celui de Schuco, et donc ils voyaient les modèles OttO toute la journée. Finalement, ils se sont rapprochés de Frederick en lui demandant si cela ne l'intéresserait pas de racheter Solido. Il a répondu qu'il n'avait pas l'argent, mais que s’ils lui confiaient la marque, il en ferait quelque chose. Simba Dickie a préféré cette solution et a fait le choix de lui confier la marque à ce moment-là. Nous avons démarré en rachetant le stock Solido de Smoby. C'est pour cela qu'au tout début, nous avions quelques-uns des HY Honda, des Colorale Renault et des AC Cobra rouges qui étaient dans des vieilles boites Solido. Nous avons racheté le petit fond de stock qu’ils avaient, ce qui nous a permis de démarrer tout de suite. Nous avons lancé nos premiers moules. Nous avons retrouvé des moules 1/18, un Citroën H, la R5 maxi, la 2CV, l'AC Cobra, la Traction. Mais aujourd'hui, nous sommes obligés de refaire tous ces anciens modèles avec moins d'ouvrants.

MSV : Pourquoi avoir accepté la proposition de Simba Dickie ?

C'était simplement l’envie de repartir sur du métal. En fait, Frederick et Nicolas ont toujours fonctionné à contre-courant. C’est un mode de fonctionnement. Quand ils ont commencé la résine, c’est parce que personne n’en faisait. Quand tout le monde s’est mis à en faire, ils se sont dit qu'il faudrait revenir sur du métal. Donc, ils voulaient relancer du métal avec ouvrants, et c’est vrai que cela a été l’occasion. Ils n’avaient pas spécialement arrêté le curseur. Serait-ce de l’entrée de gamme ? De la moyenne gamme ? La seule charge, c’est que, lorsque nous avons repris la marque, il y avait une grosse attente sur ce qu’était Solido, son image. Nous avions une grosse pression pour rester dans le classique. On le voit sur les premières sorties : la 2CV, la Fiat 500, la DS ont été assez classiques. Finalement, ce que nous faisons aujourd’hui est plus Youngtimers. C’est peut-être aussi un travers que j’ai, mais cela marche bien. Nous avons trouvé une nouvelle génération de collectionneurs. Je suis convaincu que nous avons atteint notre cible. Nous allons sortir une 4CV, ce ne sera pas pour nos jeunes collectionneurs. Nous avons toujours un ratio entre des anciennes, des Youngtimers, et aujourd’hui nous essayons de rentrer les Supercars, il y a une demande. Nous essayons d’avoir un panel représentatif, une bonne part de françaises. Nous sommes quand même une marque française ! C’est un peu plus difficile, il y a tellement de choses qui ont été faites. Les premières années, nous avions essayé de ne pas refaire les modèles qui existaient déjà. Maintenant, nous avons trop de demandes des collectionneurs.

MSV : Il ne restait que très peu des anciens outillages ?

Il y en a une partie qui était en Chine. Ils sont restés dans une zone portuaire pendant longtemps, dehors en zone d’attente parce qu'ils étaient en transit. C’est pour cela que nous ne les avons pas récupérés. Ils ont été livrés à l’usine Z-Models. Cette usine qui fabrique les GT Spirit avait au rez-de-chaussée une ligne d’injection métal. C’est là que sont sorties les toutes premières Solido de la première année. Elles sont Made in China et viennent de cette usine. Après, l’usine au Bangladesh a été terminée et la production chinoise s’est arrêtée. Ils ont empaqueté toute la ligne diecast de l'usine Z-Models et l’ont emmenée au Bangladesh.

MSV : Cette usine chinoise est donc très importante ?

Le groupe PCT y a produit un moment, mais actuellement elle est réservée à GT Spirit. Nous allons démarrer peu à peu la production de résine au Bangladesh. Ce n’est pas seulement une question de tarifs. Ils ont le savoir-faire, c’est indéniable. Mais aujourd’hui, on rencontre de gros soucis avec la douane en Chine qui accentue les contraintes sur les entreprises étrangères. Cet été, un conteneur a été bloqué plus d’un mois parce les douaniers voulaient une licence pour les trois échantillons transportés. On ne peut plus avoir de licence si la marque n’existe plus, mais eux l’attendaient. Finalement, on a trouvé notre terrain d’entente. Ils ont vu qu’il y avait écrit Michelin sur le pneu, alors ils ont dit "OK, on veut la licence Michelin !". Nous avons pris une licence Michelin et nous avons pu dédouaner le conteneur.

MSV : Vous même êtes arrivé en juillet 2016, passant ainsi de vos nombreuses recherches archéologiques dans des grottes à la création de modèles réduits industriels.

J’ai toujours aimé l'automobile, mais longtemps sans réussir à m'y intéresser. Les archéologues massacrent les voitures, car on est toujours plein de poussière, c'est une horreur ! Un jour, je suis allé chez un copain qui avait une Fiat 124 cabriolet. Je me suis dit qu'il fallait que je fasse ça. Je me suis donc acheté une voiture de collec que j’ai entièrement restaurée. J’ai voulu aller avec elle sur un rassemblement de voitures et je me suis fait envoyer balader. On m’a dit "Ah non, 1977, c’est trop jeune". Comme j’ai tendance à aller jusqu’au bout des choses, j’ai dit "OK les gars, je vais faire mon propre rassemblement". J’ai alors monté un événement qui s’appelle « Vintage Heroes » dédié aux Youngtimers. C’est comme cela que j’ai rencontré Frederick. Il cherchait des voitures à scanner en 3D. Moi, je m’ennuyais un peu dans la fonction publique. Il m'a dit qu'il avait repris une marque et m'a proposé de le rejoindre. C’est vrai qu’il m'a fallu apprendre, mais c'était bien de démarrer en même temps que l’usine. Je ne regrette pas parce que c’est vraiment de la passion. Je faisais un métier passion, je fais un autre métier passion complètement éloigné. Le point commun est qu’avant je faisais des scans 3D dans des grottes préhistoriques, et aujourd’hui je fais des scans 3D sur des voitures. J’aime les voitures, j’en vois toute la journée, c’est très bien, même si je ne suis pas un collectionneur de miniatures.

MSV : Qui décide des modèles Solido à venir ?

C'est moi qui fais une sélection, pour toute l’année. Je fais à peu près ce qui me semble bien pour la marque, en prenant en compte l’utilisation des moules : lui n'a pas tourné, lui a trop tourné, je vais l’arrêter. Après, nous nous imposons ce créneau d’avoir toujours au moins une voiture classique par an. Nous avons fait la Bugatti Atlantic, la 4 CV. Nous avons toujours une voiture plus ancienne, nos Youngtimers, notre part rallye et nous essayons d’avoir notre SuperCar. Je rentre mes créneaux là-dedans, je fais un choix. Après je revois avec Frederick si ça colle, et puis si ça va, on montre aux équipes commerciales pour avoir leur retour. C’est assez simple en fait.

MSV : La création des fichiers 3D, c'est vous aussi ?

Oui. Maintenant je pense à lever le pied sur les envois. Aujourd’hui je ne fais plus que les scans à l’étranger. Nous avons Arnaud ici qui fait les scans en France. Nous commençons à avoir une telle base de données que nous scannons de moins en moins.

MSV : Cette phase DAO/CAO des futurs modèles réduits est un progrès considérable.

Frederick travaillait dans l'automobile, où on fait les maquettes, où on les scanne et où on les agrandit. Il est arrivé dans ce métier avec une technique inverse. Nous, nous scannons en 3D la vraie voiture pour faire sa maquette. Le gros avantage est que nous serons certains que nos voitures seront justes. Au début chez OttO, quand les voitures sont arrivées, les gens ne comprenaient pas. Elles n’avaient pas la même tête ! Il suffit de voir avec la nouvelle 205 Peugeot qui a traumatisé beaucoup de monde. En fait, avant sur les miniatures, il y avait une grande part d’interprétation. Si je peux superposer le 3D de mon outillage et le 3D de mon nuage de points scannés, on est certain que l’on est bon. Après, il peut y avoir des erreurs dans la réalisation humaine ou des choix techniques que l’on va faire. J'ai la 5 Maxi, je sais que tout le monde l’aime bien, mais elle est fausse. Le volant est sur les genoux du conducteur. Oui, la 205 du Solido d’avant est très jolie mais n’est pas forcément juste. Ce sont des choix que l’on fait. Souvent, nous avons tendance à agrandir les roues par exemple. Si vous prenez les nouvelles générations de voitures, les roues sont toutes en 18-19. Elles remplissent bien les arches. On est en général assez bas. Sur une 205 d’origine sortie d’usine, on est en 13, maximum en 15. Si je le fais en miniature, tout le monde va hurler parce que l'on a plus du tout l’habitude de cette hauteur de caisse là. Donc, nous prenons des libertés où l'élément fait toute la différence et on agrandit les jantes.

MSV : Quel est le délai pour la gestation d'un nouveau modèle ?

De la décision à la sortie, c’est un an normalement. Si je ne suis pas pressé, cela va prendre plutôt quatorze mois. Moins pour quelques modèles où nous allons vraiment mettre la pression, spécialement la F1. Avec la F1, les premières photos c’est le 20 février, mais nous ne nous fions pas à la première sortie de la voiture. Nous sommes obligés d’attendre sa première course à Barcelone, ce qui nous amène autour du 10 mars, et là nous pouvons commencer à travailler. Ce sont des contrats à l’année, il faut que nous ayons tout vendu avant le 31 décembre, tout livré avant le 15 février. Faire le 3D du modèle, il ne me faut pas plus de trois jours, mais nous avons toujours deux mois d’échanges et d’attente autour du 3D, trois mois pour les plus compliqués. Quand je dis les plus compliqués, soit c’est parce qu'il y a de vraies difficultés techniques, soit parce qu'il y a un contrôle de la licence dès le 3D, et des fois ce n’est pas plus mal parce que je corrige de suite. Nous avons environ trois mois pour avoir la déco complètement finie et validée en France. Après nous passons dans la phase de production. Quand l’outillage existe déjà et que je fais un réassort, je suis sur moins de quatre mois. En ce moment, nous tirons un peu sur le cinquième mois avec les retards des containers, mais on est sur un temps assez court.

MSV : Quelles sont les différentes phases de création d'un modèle ?

Il y a un scan 3D, on scanne la voiture. Ensuite vient la création de la fiche « déco », c’est le travail que nous faisons pour aller chercher toutes les infos. Puis, je l’envoie à un expert qui va débugger mon truc en me disant "Là, tu as des jantes qui sont de la phase-II, mais c’est une phase-I". Une fois que j’ai ce cahier des charges, j’envoie. D’abord, il y a un mois de silence, et après il y a des allers retours de corrections. Quand on est sur place, on peut regarder le 3D avec la personne qui construit l'outil. Comme nous ne sommes pas sur place, je dois préparer des fiches pour chaque point à corriger. Ensuite, il met entre deux et trois mois pour sortir ce qu’on appelle un "FirstShot", le premier tirage. On sort la voiture assemblée brut de fonderie, cela permet tout de suite de voir s’il y a des gros problèmes : le fitting des portes qui n’est pas bon, un mauvais ajustement ou le pare-brise un peu court. Par exemple, il manquait une baleine sur le toit souple des nouveaux outillages de la 2CV.

En parallèle, j’ai envoyé mon fichier "déco". Je reçois des photos d'un échantillon décoré. Je fais les corrections, et quand je suis sûr de moi, j’envoie la demande de licence qui va l’approuver. Quand c’est fait, on m’envoie un échantillon, ici, pour validation. En attendant que l'on me livre les autres pour les expéditions, cet échantillon nous sert pour faire de la publicité ou part chez le photographe pour les photos produits. Je ne fais des impressions 3D que pour les salons. Pour la peinture, il y a plusieurs méthodes. Si c’est une teinte classique, soit je le fais à l’œil, nous avons tout un tas de nuanciers, Pantone, RAL, Motip, soit j’ai un colorimètre, un appareil que je colle sur la carrosserie d’une voiture et qui me donne la couleur la plus proche dans les nuanciers. Si c’est vraiment une couleur spécifique à une marque, comme par exemple sur nos trois Alpines couleurs, le constructeur n’a pas de bombes de peinture pour ça. On nous a donné des petites coques avec leurs peintures dessus. Nous les avons faites reproduire chez le fabricant de peinture à côté, et je suis parti au Bangladesh avec ces échantillons. Normalement au Bangladesh, j’y allais une fois par mois. Maintenant, je n’y vais presque plus. Depuis le début de la crise Covid, je n’y suis allé qu'une seule fois, en mars 2021, et je repars en octobre. C’est ce qui explique qu’on a pu avoir quelques petits ratés cette année. On s’en est bien sorti. Chez OttO, personne n'est allé à l'usine depuis janvier 2020.

MSV : Les dirigeants du groupe Simba Dickie interviennent-ils dans vos productions ?

Nous leur montrons. Solido appartient au groupe Simba Dickie. C’est intéressant d’avoir leur retour, mais non, ils ne donnent pas leur avis. La seule chose que nous faisons, ce sont des petites versions pour eux. Nous faisons toujours des éditions allemandes. C’est Schuco qui gère la distribution en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Tout le reste, c’est nous. L’échéance a été prolongée. Je pense qu’ils sont très contents sur deux plans. Evidemment ils touchent quelque chose sur l’exploitation de la marque. Ils sont contents aussi parce qu’en Allemagne, cela marche très bien. Certains modèles, ils en achètent des quantités. La BMW E30 noire, je ne sais pas mais… chaque Allemand doit en avoir une, c’est sûr ! (rires).

MSV : Faute de place et de personnel, il a fallu sous-traiter les envois avec l'entreprise BSL qui disposait de plates-formes logistiques à St Jacques de la Lande et à Bruz. La direction s’est installée à Josselin, dans les locaux en co-working de Cap'Actions, une pépinière d'entreprises, avant de pouvoir se poser sur les 800m² de la rue Georges Le Berd en 2014. Le choix de tout migrer dans l'ancien magasin Super-U de la rue de l'Ecusson devait enfin vous permettre de concentrer toutes les activités sur un seul site ?

Nous avons récupéré les clefs au mois de février 2018 parce que nous avons commencé à traiter quelques commandes ici avant que les travaux ne soient finis. Nous aimons bien faire des choses atypiques... Nous avons commencé à traiter quelques commandes tout seuls parce qu’il y avait eu des gros problèmes de suivi d’envois. Et le Club OttO, c’est assez facile, ce n’est pas du stock, ce n’est pas du picking, tout est déjà vendu quand on réceptionne les livraisons, il y a juste à les réexpédier. Donc nous avons commencé par faire revenir le Club OttO. Nous avons conservé Solido dans le centre-ville, le temps de faire tous les travaux, et puis, peu à peu nous avons fait la bascule.

MSV : Que serait la production des Solido sans l'usine Sonic de l'UEPZ près de Nilphamari ?

Il y a six ans maintenant, quand Solido a recommencé, nous avons bénéficié de la nouvelle usine qui s'ouvrait au Bangladesh en même temps. C’est vrai que c’était du personnel à former. Six ans après, on peut voir le résultat. Les modèles se sont améliorés. Nous avons une équipe qui arrive à faire avancer les choses. Cela nous permet aussi de faire des productions pour les autres. Il y a cinq ans, je n’aurais pas pris du Schuco, mon usine n'avait pas le niveau pour le faire. Aujourd’hui, il y a 6000 personnes. Ils ont poussé les murs, remonté les niveaux. Il y a des bâtiments partout. Une deuxième usine est en train de se construire à une demi-heure de route de là, toujours dans le même secteur. Aujourd’hui, nous partageons Sonic avec IXO-Altaya. Ils sont de leur côté, et nous du nôtre avec nos productions Solido. A terme, nous allons nous séparer. Nous irons dans nos propres bâtiments et chacun aura son usine. Il n’y aura plus de problèmes de production, parce que Altaya a une production très saisonnière. Pour eux, il y a des moments où il y a de gros coups de bourre et des moments où rien ne sort. Pour nous, il n’y a plus vraiment de calme. Avant, nous avions une petite baisse d’activité en janvier/février. Maintenant nous avons gommé cette rupture. Nous avons eu le mois d’août le plus actif que j’ai jamais vu, comme en pleine saison. Nous ne pouvons donc plus partager les créneaux. Le 1/18 prend plus de temps que le 1/43.

MSV : Il y a aussi toutes ces nouvelles décos ?

Le travail que nous avons fait avec la nouvelle Alpine Rallye nous a vraiment poussés. Avant nous ne faisions que des voitures rallye classiques. Avec celles-ci, c’était facile. Les gens allaient chercher leurs sponsors et ils mettaient des autocollants. Aujourd’hui, prenons l’exemple de François Delecour, il met un covering complet sur sa voiture. Notre fichier de déco ne peut pas du tout être fait de la même manière. En termes de temps de travail, c’est exponentiel. La personne qui « design » le projet de déco le conçoit à plat. Nous faisons le covering, nous posons le film sur le modèle, mais les logos peuvent être déformés. On ne sait pas toujours comment cela va tomber, ce n’est pas toujours pareil. Cela fait des choses complètement folles ! Comparée à la R17 ou la Sierra où il y a juste un travail de peinture, du rouge, du jaune et des grandes bandes, sur l'Alpine on est tout en décalcomanies. Il y a vraiment beaucoup de travail. Solido s’ouvre aujourd’hui sur les rallyes modernes. Cela nous demande du temps, mais il faut que les lignes de production puissent tourner. Ce ne peut pas être la course. Dans la presse, si vous payez cinq euros une voiture, vous acceptez des défauts. Chez Solido aussi il y a une tolérance, mais jusqu’à un certain niveau, nous ne faisons pas la même chose. Il y a eu pas mal de décos cette année. C’est pour cela que le prix est différent sur le rallye, ce que nous avons nommé la gamme compétition. Avant, nous faisions une moyenne, mais là nous n'arrivions plus à maintenir le ratio.

MSV : Vos usines produisent des modèles pour Kyosho ?

Oui, ils avaient commencé à faire la collection Samouraï. Ils font des trucs superbes, mais ils sont dans une situation compliquée. Solido avait pu bénéficier de leurs moules 1/64 au démarrage, et aujourd’hui, c’est nous qui fabriquons pour eux.

MSV : Il y a eu aussi des modèles IXO au 1/18 vendus par Solido ?

Quand Solido a recommencé et a un peu marché, nous avons eu une forte demande sur la voiture rallye. Nous n'avions pas l'outillage qui s'y prêtait. A ce moment-là, ils avaient lancé leur collection presse 1/18. Les moules leur avaient coûté vraiment cher et ils n'arrivaient pas à les écouler. C'est comme cela que nous avons sorti toutes les références en S1800800 sur notre catalogue. Il y avait la Stratos, la Lancia Delta, une Alpine, toutes sortaient de la collection presse. Sauf que IXO a repris notre idée, et les a proposés juste après nous. Ils ont commencé à se plaindre parce que nous vendions un peu mieux qu'eux et, finalement, nous ne partageons plus avec eux. Pour le 1/43 en 2015, Solido n'avait pas d'outillage. Les moules 1/43 n'appartiennent pas à Altaya, ils appartiennent à IXO. Avec le lien que nous avions avec Benjamin Wong, nous pouvions les utiliser gratuitement. C'est ce que nous avons fait, mais en même temps ils avaient déjà tellement proposé de couleurs sur le marché...

MSV : D'où sortent les nouveaux outillages ?

Maintenant, tout est fait chez Sonic. Au démarrage, nos outillages étaient faits en Chine. Puis, ils ont commencé à en prendre au Bangladesh, et c’était mixé. Je pense que cela doit être 2016 pour les premiers outillages au Bangladesh. Il y en avait encore un ou deux par an qui étaient faits en Chine, et depuis 2020 il ne doit plus y en avoir aucun. Pour le militaire, tout est fait au Bangladesh. L'outillage de la Renault 4L est de Chine. Dans le comparatif entre la 4 GTL et la 4L F4, qui sont construites sur la base du même 3D, on a vraiment une progression. Des grosses charnières à l’ancienne sur la première, des petites sur l'autre, il y a d’énormes différences entre les deux. Il faut comprendre qu’il y avait une centaine de Chinois qui habitaient sur place au Bangladesh. Des gens qui ont appris leur métier en Chine et qu’on a amenés chez Sonic. Ils travaillaient à tous les niveaux, du contrôle à la fabrication des moules. Peu à peu, ils ont transmis, donné plus de libertés, plus de statuts aussi, aux Bangladeshis. Avec le Covid, maintenant ils ne sont plus que trente, mais c’est encore au ToolShop qu’il y en a le plus. Les problèmes techniques sur l'outil, c’est un peu le casse-tête. Par exemple, je suis en train de travailler sur une nouvelle voiture pour l’année prochaine. Elle a un système d’ouverture des portes tiré par les cheveux ! Il faut trouver des astuces, comme avec les petites charnières discrètes pour la Bugatti Atlantic. Il faut chercher et on y arrive peu à peu.

MSV : Cela ne présente aucun risque de quitter la Chine ?

Non, de toute façon, la durée de vie des outillages en silicone est limitée. Quand nous avons fabriqué l’OT1000, une réédition de la Clio Williams, la toute première OttOmobile, on a dû refaire le moule. Il était trop vieux. Ce n’est pas le même modèle. Quand j’étais au Musée d’Histoire Naturelle, nous faisions du moulage silicone des fossiles. Je sais que les moules ont une durée de vie de cinq ans environ. Après ils commencent à se désagréger, et même s’ils sont maintenus dans leur coque, ils ont tendance à s’affaisser. Aujourd’hui, il y a plein de nouvelles techniques. J’ai une imprimante 3D, je peux sortir une voiture 1/18 de bonne qualité à partir d’un bon fichier 3D, et donc je peux vite ressortir un master. Cela permet de faire des choses chez soi. Avant, vous alliez voir un artisan pour une maquette. Vous lui demandiez une voiture unique, c’était compliqué. Aujourd’hui, je l’imprime ici, elle est peinte dans notre atelier. C’est vrai que cela a vraiment changé.

MSV : Le monde de la compétition automobile vous inspire visiblement ?

Ce qui est intéressant, c’est d’aller déterrer des choses. Nous aurons une R8 Gordini conduite par Ragnotti au Monte-Carlo Historique qui sort en fin d’année. C’est bien, c’est une « jeune ancienne » parce que c’est une déco de 2014 sur une voiture plus ancienne. Nous sommes certainement sur de l’inédit. Il y a plein de livrées à faire. Pour l’année prochaine, j’ai déterré une livrée du championnat d’Angola pour la GT-40. Elle est magnifique ! J’ai vu que Bburago a ressorti l’Alpine A110 d'Andruet. Il faudrait arrêter ! Récemment IXO l’a faite, moi je l’ai réalisée pour l’Homme Moderne, et eux la refont... Il y a plein de superbes décos possibles, plein de pilotes. Moi, cela m’amuse de les rechercher. Des fois, c’est la galère pour trouver un petit autocollant qui manque, mais au moins on amène quelque chose dans la collection. Le collectionneur qui nous suit, qu’est-ce qu’on lui apporte ? Il faut que ce soit un échange, que ça lui permette de compléter sa gamme. Il y a des classiques c’est vrai. La Sierra par exemple, nous avons commencé avec les grosses décos, mais il y en a plein à faire. Nous sommes obligés, il y a toujours des gros best-sellers qui sont attendus. Il y a un besoin avec un prix intéressant, comme ce que nous avons fait sur la Porsche 935. C’est vrai que la première livrée, la Martini, avait déjà été faite par plein de monde, mais jamais en dessous des cent euros au 1/18. Après on arrive sur les petites livrées qui n'ont été proposées que par des fabricants en séries très limitées. L’année prochaine, nous sortirons l'une des six heures du Midwest, je pense que nous sommes les seuls à la commercialiser.

MSV : Les marques OttO, GT Spirit et Solido ont produit des voitures en doublons ?

Je pense que Frederick est le seul qui voit l'intégralité. Nous nous entendons bien, mais je ne parle jamais à Romain et João. Romain s’occupe de GT Spirit. C’est un ancien banquier qui était passionné de miniatures. João, c’est un ancien pilote de moto portugais. Il n’y a que des profils atypiques... Donc eux sont à Macao, et normalement quand il n’y a pas le Covid, ils vont toutes les semaines à l’usine. Ils travaillent dans le même bureau, alors je pense qu’ils doivent en voir un peu plus. Moi, c’est vrai que je fais mes modèles indépendamment. On ne se dit pas toujours ce que nous préparons, ou des fois on oublie. Cela m’est arrivé pour la Fiat 131, je ne savais pas qu’ils la sortaient aussi. Nous avons fait chacun une demande d’artwork à une personne différente. Nous avons eu de la chance, nous n'avons pas le même. J’ai travaillé à partir de mes photos, il a fait pareil. Des gens sur Internet disent que l'on partage. Nous ne partageons pas. Il y a plein de gens qui pensent qu’un moule diecast et un moule résine, c’est pareil, et donc que nous nous prêtons les moules. Non, on ne peut pas se prêter les moules. On peut se prêter le 3D de la voiture. C’est tout ce qu’on échange. Pour moi, un 3D résine, c’est pareil que de repartir de zéro. Il y a aussi une différence, avec Solido j’ai plus de liberté. Il y a des choses que nous ne verrons jamais chez OttO. Par exemple, j’ai des 4L F4 Renault où, sur la portière, il est écrit notre adresse à Josselin, une petite blague. Ce sont des choses que OttO ne peut pas faire. Ses clients cherchent la voiture parfaite. Ils ne comprendraient pas qu’ils fassent comme Solido une voiture d’un particulier avec une déco un peu originale.

MSV : Amortir rapidement un nouveau modèle reste possible actuellement ?

Sur une voiture aujourd'hui, j'amortis entre 10 000 et 15 000 exemplaires. Après certaines ne le sont pas. Par exemple, cette année nous avons fait la nouvelle F1 parce qu'Alpine est arrivé dans le jeu. Ils ont changé la voiture et je n'ai pas pu adapter la miniature. Ils l'ont rallongée de 45cm. Nous avons été obligés de refaire un outillage qui ne va servir qu'une année. Finalement, je crois que nous allons atteindre les 9000 pièces, donc ce sera presque amorti. Sur le militaire, ce n'est pas pareil, c'est plus petit, mais il faudrait au moins que j'en fasse 10 000. Quand j'en ai parlé avec le dernier patron du Solido d'avant, il me disait qu'il tirait parfois à 100 000 exemplaires, même à l'époque où il était avec Smoby quand ils ont sorti la 206. C'est incroyable, ça fait rêver !

MSV : Le club OttO, c’est 50 000 membres quand même ?

Oui, en même temps, OttO ne produit que des éditions limitées, donc moins de volume.

MSV : Gardez-vous des contacts avec les anciens de Solido ?

Non. Frederick a vu plus de monde au tout début de la reprise. J'ai rencontré Monsieur Debrock. Après, j’ai croisé d'anciens employés de l’usine en France qui sont passés nous voir aux évènements. Quand on parle des chiffres que Solido faisait, on est dans une époque différente, celle où la miniature tenait une autre place.

MSV : Conservez-vous les outillages pour pouvoir les amortir sur une longue période ?

Aujourd'hui au Bangladesh, il y a un grand stockage et des personnes qui ne font que de l'entretien. Il faut graisser les outillages tout le temps pour ne pas qu'ils rouillent. Il faut les essayer régulièrement.

MSV : Il avait été annoncé au début que de vieux outillages avaient été récupérés ?

Nous avons retrouvé en Chine une partie des vieux outillages qui traînaient et une partie des derniers outillages Solido. Quand ça a capoté chez Smoby, il y a des usines qui avaient gardé les moules. C'est leur moyen de se faire payer : quand le client ne paie pas, c'est le nerf de la guerre parce qu'une fois qu'on n'a plus les outillages, on est coincé. Sauf qu'il s'est avéré que nous avions plein d'outils abîmés, et que, dans ceux qui fonctionnaient, beaucoup de modèles étaient incomplets. Des fois, on avait des portières mais il n'y avait pas de références. A l'époque, ils ne faisaient pas comme moi, ils faisaient des moules pour chaque pièce dont ils avaient besoin. Nous n'avions pas de listing, nous ne savions pas ce que c'était. Par exemple, on a fouillé et on vient de retrouver l'outillage de la traction Coupé Citroën. Il va falloir faire les vitres. Le problème est que je n'ai pas de fichier 3D de cette voiture. Il faut donc redessiner un 3D de la miniature pour pouvoir fabriquer les pièces supplémentaires. Parfois, l'usine ne comprend pas l'outillage. Pour la petite histoire, un jour je vais à l'usine, ils étaient en train d'injecter les AC Cobra. Je les vois sortir et jeter à chaque fois une grosse pièce en métal. Je regarde, et en fait c'était le toit dur. Nous avons sorti une édition blanche avec un toit. C'était dans l'outillage, ils ne savaient pas que c'était cette pièce, il la jetait... Pourtant, cela faisait des années qu'on produisait la voiture.

MSV : N'aurait-il pas été logique que Norev vous revende ses anciens outillages Solido ?

Oui, nous y avons pensé. Nous n'avons pas de très bonnes relations... Après, on n’est pas nombreux en France. Quand Solido a disparu, Norev en a vraiment profité. C’est à dire qu’ils se sont retrouvés seuls. C’est comme cela qu’on a vu arriver du Norev dans les grandes surfaces. Quand Solido a recommencé, nous avons repris leur place parce que nous étions mieux positionnés au niveau prix.

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MSV : Qui travaille sur la publicité ?

Je suis responsable du service communication, donc c’est moi qui vais impulser les choses. Pour les boîtes, cela fait deux ans que j’ai pris un nouveau graphiste externe. C’est lui qui dessine les décos des voitures. Du coup, c’est lui qui a dessiné les boîtes d'après nos grandes lignes. Depuis cinq ans, nous n'avons pas encore eu l’occasion de nous pencher vraiment sur le catalogue comme il faudrait. Nous l’enrichissons, mais sans avoir encore pu se poser pour développer un vrai concept. Aujourd’hui, le montage est fait ici en interne, et chaque année, on se choisit le photographe. Il y a plus de deux ans, nous avions celui de la marque But. Il prenait les Solido et les mettait dans un contexte réel. Récemment, nous sommes passés avec Alberto de chez Impressions Cars en Espagne. Il photographie pour AutoArt, Minichamps, Kyosho, beaucoup de marques, et c’est lui qui fait toutes les photos produits Solido. L’année prochaine normalement, nous allons passer avec Frank. C’est un Allemand qui s’occupe de toutes nos publicités, par exemple dans Minauto. Il est en train de travailler sur un vrai concept. Donc aujourd’hui, c’est notre fonctionnement, l’assemblage et la création sont faits ici.

MSV : Vous proposez de plus en plus de vidéos ?

C’est notre nouvel axe de com. Nous allons créer maintenant un vrai studio avec plusieurs plateaux, au moins un plateau par marque. Les résultats de la vidéo comparée à l’image, c’est à peu près X10 ! C’est pour cela que je me suis mis à en faire plein. Je ne suis pas forcément le roi de la vidéo, mais cela crée un lien. Les gens aiment bien parce que nous pouvons dire les choses franchement et cela permet aussi de voir le modèle. Nous avons beaucoup de clients qui achètent par Internet, et je sais qu'avec Alberto, le photographe, je suis obligé de lui demander de temps en temps de dégrader un peu ses photos qui sont trop belles.

MSV : Vous misez aussi sur des événements festifs ?

J’ai monté avec Frederick une société qui s’appelle Donuts Event. Nous allons monter un gros événement, le « Big Car Show », qui va nous servir l’année prochaine à fêter les 90 ans de Solido et les dix ans de GT Spirit. C’est la vision que j’avais de Vintage Heroes, mais avec les moyens. J’étais déjà content de réunir mille Youngtimers, mais c'était dans un mode gratuit. Là, nous avons loué le circuit du Mans pour faire un équivalent du « Mans Classique », mais pour les Youngtimers. Nous allons faire venir tous les constructeurs. Nous allons aussi faire un « village miniatures », faire venir la « Factory Majorette », Schuco, Lego, Carrera… Il y aura même un musée pour exposer des voitures des réserves. Cela va vraiment réunir tous les milieux. Il n’y a plus de salon de l’auto, donc nous allons essayer de faire notre petit salon à nous. Mon Vintage Heroes viendra en support. En fait, nous allons créer cet événement l’année prochaine pour fêter, je l’espère, le déconfinement total. Je pense que cela va valoir le coup.

MSV : Une présence sur les réseaux sociaux est tout à la fois indispensable et conflictuelle ?

Je ne me bats plus sur Internet, ils auront toujours raison... Je ne dis pas, des fois nous n’arrivons pas à prendre en compte les collectionneurs. Au téléphone, ils me disent : "il y a une erreur, cela ne peut pas être juste", "Non, non, ce n’est pas comme cela, je le sais", "je vous dis que ce n’est pas possible". La voiture a été validée avec Renault Classique, avec la brochure d’époque. J’ai des photos. Oui, sur le catalogue du constructeur on l’achète de base et c'est un véhicule industriel. Mais le traitement n’est pas toujours industriel. Il y a eu des grèves, des problèmes d’approvisionnement, ils n’avaient plus de jantes d’utilitaires et ils ont mis celles de la 4L GTL. Elle était customisée comme cela au garage. C’est très dur des fois de le faire comprendre... Les réseaux sociaux, je regarde, je ne vais pas dans la bataille. Nous avons quelqu’un qui fait cela, c'est notre Community Manager. A l’époque des forums, c’était encore faisable. Maintenant, c’est compliqué. C’est systématique, il y a des gens qui ne peuvent pas s’en empêcher, rien ne leur convient. Même si c’est la reproduction exacte de la voiture, même si j'amène la preuve en photo, cela n’ira pas. Parfois, nous publions et nous comptons combien de temps il nous faut pour avoir un premier commentaire. Quelquefois cela ne va prendre que trente secondes. C’est notre indicateur, nous n'avons pas besoin de suivre le tracking de livraisons pour savoir si nos colis sont arrivés. Immédiatement chez OttO, la chasse aux défauts est ouverte. C’est un sport.

MSV : Prévoyez-vous de faire graver un sigle "Solido" sur les prochains modèles militaires ?

C’est important pour certains. Si la collection marche, nous lancerons une nouvelle série de moules type WW2 qui seront siglés Solido, mais tout repose sur le succès que nous rencontrerons. Notre priorité est de retrouver une clientèle pour cette collection car, pour le moment, c’est un peu difficile. Mais on y croit !

MSV : La rencontre avec Mike Wolf a donc été décisive pour le militaire ?

C’est lui qui est venu nous chercher. Il nous a trouvés au salon du jouet à Nuremberg et nous a raconté son histoire. Il nous a recontactés. Il est venu à une bourse sur le train miniature en France [ndlr : à Chartres]. Il s’est arrêté à Josselin avant d'aller vers Auray, et c’est là qu’on a bossé, que nous avons développé pour MTH Trains. On ne sait pas trop où ils en sont depuis qu’il a pris sa retraite.

MSV : C’est lui qui a décidé des modèles militaires à produire ?

Oui, ce sont des commandes qu’il nous a passées. Il nous a commandé les modèles dans la même finition que les 500 premiers Day-One. Il les a vendus exactement comme ça. Il fait uniquement des véhicules du type sortie d’usine pour poser sur son wagon. C’est pourquoi il n’y a aucun marquage. Comme MTH Trains fabrique des convois, l’idée était de faire des décos sans aucune information d’unités. Ce qu’il vend en boîtes vitrines, ce sont les mêmes, mais c’est "peanuts" pour lui. Cela ne doit même pas être 5% de la production. Le reste, on lui livre en blister et il fait des packs avec un wagon. Les productions partent de l’usine du Bangladesh et rejoignent les usines chinoises de MTH. Elles sont alors remballées différemment avec des wagons. Je sais qu’ils montaient les tourelles dans l’autre sens, positionnées en mode transport. Que les véhicules puissent être mis en position transport fait partie des rares exigences de son cahier des charges. Ses Bradley n'ont pas les canons latéraux puisqu'ils sont démontés sur le train.

MSV : Sur quelles sources furent-ils développés ?

C’est moi qui ai fait tous les modèles. Mike travaillait, lui, sur des kits 1/35. Je les ai complétés sur photos, parce que je ne voulais pas que ce soit trop proche des kits. Et puis chacun a sa source, et je ne sais pas comment furent faits les kits. C’est bien de se copier les uns les autres, mais on ne sait pas avec quoi le précédent a travaillé. Je le vois bien sur des décos de voitures. Tout le monde sort des copies, et puis le jour où l’on prend une photo de la vraie voiture, on se rend compte qu'il y avait une erreur. Elle a été reproduite parce que le premier l’a commise. Donc j’ai retravaillé après sur photos. Ce qui est bien avec l’armée américaine, c'est qu'elle est très documentée.

MSV : Les premiers n'étaient pas au 1/48, l'échelle des trains ?

L’Abrams est le premier modèle que nous avons fait pour Mike, et là c’est lui qui nous a sorti ce tank de son chapeau. Il nous l’a envoyé sans marque dans un carton en nous disant qu'il voulait celui-là parce qu’il allait exactement sur le wagon. Avant que je le lui dise, il ne s’était jamais rendu compte que ce n’était pas du 1/48. J’ai fait quelques petites améliorations, mais après je lui ai imposé le 1/48. Je lui ai dit : "Ecoute, franchement Mike, tu ne peux pas continuer avec ces machins à l’ancienne. Un tank ferait la même taille que ton Humvee parce que cela va bien sur ta voiture ?". Je crois qu'il a dû prévoir des petits supports supplémentaires pour que mes M60 puissent passer sur ses wagons.

MSV : Vous avez refait un outillage pour l'ancien canon de 105mm. Serait-ce le premier d'une collection de rééditions un peu comme avec le "1/43 vintage" ?

Non malheureusement, ce n'était pas vraiment ce vers quoi nous voulions aller, vu les prix des anciennes collections Solido militaires comparés aux prix du civil. Nous voulions amener autre chose, et j'aime bien le niveau de détails que nous avons obtenu. Ce n'était qu'une demande de Mike. Il avait flashé sur ce canon. J'ai lu que les gens reprochaient de le voir mélangé aux autres modèles parce qu'il est moins véridique, mais les ventes ne s'en ressentent pas.

MSV : Mike voulait aussi de la Seconde Guerre mondiale ?

Il en a eu aussi, nous en avons fait sur outillages IXO. Après, nous avons développé pour lui parce qu’un jour nous lui avons demandé : "Mais ne voudrais-tu pas qu’on te fasse des choses spécifiques ?". Donc on continue.

MSV : Souhaitiez-vous continuer avec MTH Trains ?

En fait nous continuons, mais beaucoup plus lentement. Pour le moment, nous n’avons pas arrêté, nous sommes encore sur d'autres projets. C'est en discussion. Je sais que Mike a revendu une partie, il garde des petites productions, il a ouvert un site de pièces détachées. Il veut continuer parce qu'il m'a demandé de travailler du côté des gros transporteurs de troupes de la même période. A mon avis, cela sortira beaucoup moins vite. Pour le moment, c'est bien, cela se vend, mais là je n'avais pas les outillages à amortir. Après, si je veux démarrer une collection, je vais avoir une gamme d'outillages à prévoir, et c'est un coût.

MSV : En comparaison des anciens modèles, les tourelles ne tournent pas bien et les antennes sont trop fragiles.

Nous les avons faites pour Mike et lui s'en moquait. Apparemment, ses acheteurs sont sur du statique. La voiture est posée sur le wagon et c'est le train qui bouge. Et puis nous avons décidé de relancer ses militaires, et maintenant que nous avons vu qu'on pouvait partager les outillages, c'est certain que les prochains, je ne les ferai pas pareils. Chez nous, ils ont une vraie vie, des gens qui les tripotent... Donc ce système-là, il faut que je l'améliore. Les antennes ? C'est l'un des travers de l'usine. Sur la presse, ils ont un standard et il faut toujours que je me batte pour faire passer des choses. Il y a déjà des petites améliorations au niveau des finitions entre nos deux séries. Mike ne voulait même pas que les roues du lance-roquettes soient peintes en noir.

MSV : En 2020 à Nuremberg, vous aviez une copie des anciennes chenilles en métal ?

Nous envisageons les chenilles métal. On avait fait un petit moule jetable, un moule où l’on ne va tirer qu'une fois dedans. Nous avions fait cet essai parce que le savoir-faire était perdu. A l'usine, ils n'arrivaient pas à comprendre comment faire les maillons. Au début, ils pensaient faire des moules maillon par maillon, et nous leur avons dit : "Non, c'est comme un bracelet montre". Nous avons réussi à retrouver la technique. Il faut que les maillons sortent déjà assemblés et que l'on ait plus qu'une tige à insérer. C'est bon, ils ont retrouvé. Maintenant, il faut juste que nous arrivions à développer le marché pour pouvoir les proposer...

MSV : Vous faut-il payer des licences sur les engins et les décos militaires ?

Oui, j'ai Hummer qui vient de me contacter : Humvee, on paye des royalties ! Il y en a beaucoup qui sont développés par les Etats. Sur les marquages, il n’y a pas de licence. Il y a eu un procès au tribunal qui fait jurisprudence sur la reproduction en miniature. On peut reproduire tout ce qui existe sur une voiture, quelle que soit la marque. Par contre, si j'utilise ces marquages sur ma boite, ce n'est plus la même chose. Si je crée une voiture complètement de toute pièce, c'est un cas de figure encore différent, on pourrait me demander de payer des droits. Si la voiture existe, j'ai des photos, je n'en ai fait qu'une reproduction.

MSV : Pourquoi ne pas avoir continué les avions au 1/72 ?

Parce qu'on ne les vend pas. Tout ce qu'on a fait en Warmaster sous Solido, je l’écoule très mal. Nous sommes les fabricants de ces modèles, même si ceux-ci, tout comme la production des premières années, proviennent d’un partenariat avec IXO. Nous fabriquions déjà des Warmaster qui partaient très bien en Asie, en Russie, sous cette marque Warmaster. Du jour où on les a mis sous Solido, cela ne s'est plus vendu.

MSV : Les Warmaster sous Solido étaient personnalisés ?

Le point de différence qu'il y a entre des Altaya militaires et les Warmaster Solido, c'est le niveau de finition. Si on regarde sur la peinture, ils sont plus aboutis. Par exemple, pour la presse, cela ne les gêne pas de faire des bandes de peintures qui finissent net. Ils s'en moquent de savoir que c'est normalement fait à l'aérographe et que c'est toujours flou. Eux, ils ne font que des bandes de masquage. C'est Nicolas Gohin qui préparait la déco des prototypes. C'est très intéressant pour les fanas de guerre. Ce sont des décos très spécifiques comme le Pershing où il y avait un tigre peint devant. J'ai fait un Huey avec une déco d'un groupe d'intervention vietnamien. Il est exact jusqu'au rotor, parce qu'il y a une photo du rotor de l'hélico qui s'est écrasé et il est comme ça. Pour les gens, cela ne leur parle pas du tout. Le Huey pour eux, il est vert, au mieux avec un drapeau médical en dessous, et notre modèle n'est pas compris. Nous avons des gens ultra spécialistes, mais des fois il faut aussi calmer le jeu, rester grand public.

MSV : Qui vous achète les références militaires ?

Clément ROUVIERE : Ce n'est essentiellement que de la boutique spécialisée.

MSV : Le lecteur en retiendra que l'un de vos nombreux projets sera peut-être le retour du Solido militaire avec chenilles en métal. Merci Monsieur Rouvière !

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